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GRAND ENTRETIEN

Le nucléaire au cœur des transitions énergétique et numérique


Quel rôle le nucléaire peut-il jouer pour accélérer la transition énergétique et atteindre l’objectif zéro carbone à l'horizon 2050 fixé à la suite des Accords de Paris en 2015 ? Quelles sont les recherches et développements conduits par le CEA dans le domaine du numérique pour améliorer encore l’efficience du système énergétique alliant énergies nucléaire et renouvelables ? Philippe Stohr, Directeur des énergies au CEA, nous en dit plus.



Publié le 29 novembre 2021

France 2030 annonce son soutien à la filière pour « Réinventer le nucléaire », avec des enjeux clairement identifiés pour lutter contre le réchauffement climatique et pérenniser la souveraineté de la France.
Qu’en est-il ?

Au cours des dernières années, la France a poursuivi ses engagements notamment dans le cadre de la stratégie nationale bas carbone et de la programmation pluriannuelle de l’énergie. En particulier, un travail conséquent a été effectué par RTE dans son rapport sur les futurs énergétiques possibles, rendu public le 25 octobre dernier. Six scénarios ont été étudiés. Tous supposent des efforts sociétaux de sobriété et une montée en puissance des énergies renouvelables, même ceux considérant l’énergie nucléaire dans la production électrique.

Le nucléaire peut jouer un rôle important dans la réalisation d’une société neutre en carbone, dans un système énergétique alliant énergies nucléaire et renouvelables. Pour ce faire, il doit répondre à plusieurs enjeux : flexibilité de la production, intégration de la production nucléaire à une échelle plus locale, aussi avec la production d’autres vecteurs énergétiques comme la chaleur ou l’hydrogène. Tous ces éléments se retrouvent dans la vision intégrée du mix énergétique multi-vecteurs proposée par le CEA.

Dans le contexte actuel, la maîtrise des énergies apparaît déterminante…

La hausse récente et significative du prix de l’énergie en Europe, liée notamment à la hausse des prix du gaz, souligne en effet l’importance croissante de l’enjeu énergétique. Et, tant pour l’Europe que la France, il doit être pris en compte en termes de contribution à la limitation du réchauffement climatique ainsi que d’un point de vue économique – ce qui est étroitement lié à la souveraineté. L’énergie nucléaire est un atout sur ces deux aspects : énergie bas carbone, elle contribue significativement à notre agenda 2050 et permet à la France, et dans une moindre mesure à l’Europe, de limiter sa dépendance aux hydrocarbures.

Comment se positionne la filière nucléaire face à ces enjeux multiples ?

La réponse à ces différents enjeux passe par une diversification de l’offre de la filière nucléaire, avec des réacteurs de forte puissance pour le socle capacitaire et des petits réacteurs pour remplacer les centrales à gaz et charbon ou pour faciliter les équilibres locaux. A cet égard, soulignons que les travaux menés en commun par EDF et ses partenaires CEA, Technicatome et Naval Group au sein du projet de SMR (Small Modular Reactor) NuwardTM, s’inscrivent pleinement dans le premier objectif annoncé dans le cadre de France 2030, à savoir, le déploiement d’une filière SMR française à l’horizon 2030.

Le nucléaire poursuit également ses innovations dans ses cas d’usage pour proposer de nouvelles utilisations de l’énergie. Par exemple, avec la production d’hydrogène ou de carburants de synthèse (e-carburants), l’usage industriel ou territorial de la chaleur (basse ou haute température) produite. Par ailleurs, il innove aussi avec le numérique, en fort essor dans l’industrie, tant pour la simulation pour la sûreté que pour la conception, la fabrication et l’exploitation. Le numérique doit aussi nous aider à avancer plus vite sur les thématiques mentionnées précédemment.

Ce sont là des objectifs identifiés par le contrat de filière qui se réorganise dans de nouveaux écosystèmes d’innovation…

En effet, le nouveau contrat, signé en 2019 puis amendé au printemps 2021, fixe une trajectoire ambitieuse avec des moyens associés pour amplifier le rôle de la filière nucléaire dans la relance économique et la poursuite de la stratégie bas carbone de la France. Il témoigne aussi du dynamisme de cette 3ème filière industrielle française et de sa capacité à innover pour s’adapter aux évolutions des enjeux sociétaux.

Dans la lignée des efforts engagés ces dernières années pour structurer les acteurs du nucléaire, avec notamment la création des Gifen et CSFN, plusieurs actions sont aujourd’hui lancées. Elles concernent autant la poursuite de cet effort de structuration que l’identification des besoins de R&D dans des domaines clés. Il s’agit par exemple de renforcer la solidarité de la filière envers ses PME et ETI. Cela se traduit notamment par le soutien et l’accompagnement du Gifen pour le déploiement de tous les acteurs à l’international, à travers des actions de qualification de process ou de formation.

La filière met en avant les priorités stratégiques de la numérisation de la filière et du maintien des compétences. En quoi le CEA y contribue-t-il ?

En tant qu’organisme de recherche, le CEA développe ses capacités dans le domaine de la transition numérique. Il peut ainsi accompagner la filière à travers des transferts d’innovation et sa participation à différents projets. A commencer par celui de « Réacteur numérique » piloté par EDF et réunissant neuf partenaires. Son objectif est de concevoir une réplique numérique et fonctionnelle d’une centrale nucléaire. Au service des ingénieurs et opérateurs, tant pour la formation, la maintenance que l’exploitation, il permettra d’engager pleinement le nucléaire dans sa transition numérique. Le CEA y apporte, entre autres, des outils de simulation et une expertise dans les plateformes logicielles pour permettre de simuler le réacteur dans son ensemble. Il faut aussi rappeler notre contribution historique en matière d’instrumentation pour le nucléaire, ce qui permet notamment d’alimenter les modèles numériques en données.

Le contrat de filière met également en avant le sujet stratégique de la formation pour le maintien et le renouvellement des compétences, avec la création de l’Université des métiers du nucléaire dont le CEA est naturellement partenaire. Il intervient notamment par le biais de son école de spécialisation des énergies bas carbone INSTN, labellisée ICERR par l’AIEA.

Le contrat de filière confirme la démarche d’économie circulaire du nucléaire…

Le recyclage et la valorisation des matières nucléaires et autres matériaux est un choix historique de la France. Et la programmation pluriannuelle de l’énergie a réaffirmé la stratégie de cycle fermé du combustible nucléaire qui doit permettre de s’affranchir du recours à l’uranium naturel. Cette stratégie prévoit un déploiement par phases, avec le mono-recyclage dans toutes les centrales de génération 2, l’étude de faisabilité du multi-recyclage en réacteurs à eau pressurisée et les recherches sur la génération 4 de réacteurs qui permettra le recyclage complet des matières nucléaires.

Cette démarche d’économie circulaire concerne aussi certains matériaux issus des opérations d’assainissement-démantèlement pour lesquels des possibilités de réutilisation sont étudiées.

Enfin, avec ses partenaires, le CEA étudie également la possibilité de diminuer la toxicité de certains déchets radioactifs et évalue la possibilité de transmuter certains d’entre eux, les actinides mineurs, dans des réacteurs à sels fondus.

Le nucléaire est ainsi un acteur incontournable de la transition énergétique.

La période actuelle est enthousiasmante ! Il y a une forte prise de conscience de la convergence à réaliser entre les énergies nucléaire et renouvelables pour construire un système énergétique neutre en carbone à l’horizon 2050. Les défis à relever sont nombreux, à la fois techniques, industriels et sociétaux. Cela va demander à l’industrie nucléaire de continuer d’évoluer et de se réinventer, pour des nouveaux usages, de nouveaux concepts de systèmes de production et avec la prise en compte du cycle des matières nucléaires. C’est le chemin dans lequel l’industrie nucléaire s’est engagée avec conscience des enjeux et auquel nous voulons contribuer au CEA avec l’ensemble de nos travaux de recherche et développement.

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