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Odile Allard : la cheffe d’entreprise qui équipe les chirurgiens d’un 3e œil


Après une carrière en informatique et la volonté de créer une entreprise, Odile Allard rencontre Philippe Rizo, chercheur au CEA. Trois ans plus tard, ils fondent FLUOPTICS©, entreprise devenue le leader européen de l’imagerie de fluorescence pour l’aide à la chirurgie.


Publié le 18 janvier 2022

Assise à son bureau, face à son ordinateur, Odile Allard, co-fondatrice et PDG de FLUOPTICS©, leader européen de l’imagerie de fluorescence pour l’aide à la chirurgie, prépare son prochain rendez-vous. « Ce serait une belle opportunité pour nous », dit-elle en remontant ses lunettes colorées sur son nez. Même après 13 ans passés à la tête de son entreprise, Odile Allard est toujours animée par la même ambition et la même motivation : « installer notre technologie dans tous les blocs opératoires du monde. »

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Odile Allard, co-fondatrice et PDG de FLUOPTICS © Sébastien Ferraro


Une ambition qu’elle partage avec son associé Philipe Rizo, chercheur au CEA, qui est à l’origine des technologies déployées chez FLUOPTICS©.
« Nous nous sommes rencontrés, en 2006, par hasard lors d’un dîner chez des amis. Je venais de quitter mon poste dans l’informatique et je voulais devenir entrepreneur. Philippe m’a alors invitée au CEA pour découvrir ses travaux. Il avait à cœur de voir les technologies sur lesquelles il travaillait transférées à l’industrie », se souvient-elle. Cette rencontre et ce que lui présente Philippe Rizo l’intéressent fortement.

Le travail avant tout

Jusqu’alors, son terrain d’expertise était l’informatique. « A la fin des années 1970, personne ne comprenait ce qu’était l’informatique mais on nous disait que c’était l’avenir. La nouveauté et le potentiel d’avenir m’ont attirée », explique-t-elle. Alors Odile Allard se lance et suit des études d’ingénieur en informatique au Conservatoire des arts et métiers. Pendant 4 ans, elle assurera son travail de programmatrice le jour et deviendra élève ingénieur le soir. Le travail ne lui fait pas peur. Originaire du bassin minier de la Matheysine, au Sud de Grenoble, Odile Allard a été élevée dans une famille où le travail est une valeur fondatrice.

Les débuts de l’entrepreneuriat

Au cours de sa carrière, elle occupe différents postes, passant de la technique au pôle commercial, dans plusieurs entreprises. « Je ne me posais pas vraiment de questions. Cela avançait tout seul », glisse-t-elle.

En 2006, alors qu’elle est le bras droit du PDG chez un éditeur de logiciel, Odile Allard décide de quitter l’entreprise pour créer sa propre société. « A l’époque, je cherchais à travailler dans l’innovation mais j’étais surtout en quête de sens. » Sa rencontre avec Philippe Rizo, va lui apporter ce qu’elle recherche. « Au début quand il me parlait de ses travaux, je ne saisissais pas tout. Je ne comprenais pas bien à quoi l’imagerie de fluorescence pourrait servir, raconte-t-elle. Mais il m’expliquait qu’une application en cancérologie était possible et je sentais quelque chose s’éveiller en moi. »

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Le dispositif d'imagerie FLUOBEAM® LX © FLUOPTICS©

La rencontre entre la médecine et la technologie

Dans le même temps, les premières start-ups en biotechnologie se créent et leur développement est soutenu par les états du monde entier. Il faut prendre le train en marche. Alors pour étudier la faisabilité d’une start-up autour des technologies d’imagerie de fluorescence et l’intérêt de cette innovation, elle rencontre Jean Chabal, directeur de département au CEA. Celui-ci accepte son projet et lui propose d’intégrer le CEA.

S’ensuivent alors des semaines de travail durant lesquelles elle rencontre des entreprises pharmaceutiques, des hôpitaux, des médecins
« Et un jour, je rencontre le Pr. Michel Rivoire, chef du service de chirurgie oncologique du Centre Léon Bérard à Lyon, qui m’explique qu’il existe un marché pour notre technologie dans l’imagerie en temps réel durant la chirurgie, et qu’il serait prêt à l’expérimenter en phase pré-clinique », raconte-t-elle encore reconnaissante d’avoir pu décrocher toutes ces opportunités.

Convaincue de l’intérêt de cette technologie, elle présente son projet lors d’un concours national du ministère de la Recherche et de l'Industrie. Lauréate, elle obtient une subvention de 450 000 euros pour développer un prototype et fonder FLUOPTICS©, en février 2009 avec Philippe Rizo. Trois ans plus tard, le système d’imagerie FLUOBEAM® reçoit le marquage CE et d’autres certifications. Une étape majeure pour commercialiser ce dispositif en Europe. La start-up s’attaque aussi au marché américain et obtient la certification de l’Agence américaine du médicament (FDA) en 2018.

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Le dispositif d'imagerie FLUOBEAM® LX au bloc opératoire © FLUOPTICS©

Une femme engagée pour l’égalité

Le duo est toujours à la tête de la société dont l’usine et le siège sont basés à Grenoble, près du CEA. « Pour moi, il était impossible de créer cette entreprise sans Philippe. Il était à l’origine de la technologie. Et puis nous partageons les mêmes valeurs. Nous sommes des travailleurs acharnés et passionnés, et nous voulons tous les deux développer une technologie innovante, qui peut changer la vie des patients, tout en étant accessible au plus grand nombre », insiste Odile Allard.

Un engagement pour l’égalité qui se traduit aussi par le recrutement d’ingénieurs débutants. « Les entreprises réclament toujours des années d’expérience. Or, il faut bien démarrer quelque part. Chez FLUOPTICS©, on leur fait confiance. On veut participer à l’épanouissement de leur potentiel », assure celle qui est aujourd’hui à la tête d’une entreprise de 25 personnes.

Odile Allard encourage aussi les jeunes à entreprendre, et surtout les femmes. « Par notre éducation, les femmes se censurent. On se dit qu’on ne sera jamais capable, qu’on n’est pas légitime. En réalité, il suffit d’oser. » Odile Allard en est la preuve. Aujourd’hui, sa société a vendu plus de 350 dispositifs d’imagerie de fluorescence en France, à travers l’Europe, aux Etats-Unis mais aussi en Asie. « Je suis là où je voulais être et je suis heureuse du chemin que j’ai tracé », conclut-elle souriante.

Mieux voir pour mieux opérer

Fruit de plus de 10 ans de recherche dans les laboratoires du CEA, l’imagerie de fluorescence de FLOPTICS© est une technologie révolutionnaire. Elle permet au chirurgien de voir des structures ou des lésions qu’il ne peut pas discerner à l’œil à nu. Pour cela, il injecte au patient un traceur fluorescent non radioactif capable de se fixer sur les zones d’intérêt. A l’aide de la caméra optique conçue par l’entreprise, baptisée FLUOBEAM®, le chirurgien peut alors révéler le marqueur et localiser facilement ce qu’il cherche. FLUOBEAM® est comme un œil supplémentaire pour les chirurgiens.

Aujourd’hui, cette technologie innovante est utilisée lors de la chirurgie de la thyroïde au cours de laquelle les parathyroïdes, des petites glandes de quelques millimètres, doivent être préservées. Grâce à l’utilisation du dispositif pendant la dissection, les séquelles et complications liées à l’intervention sont réduites de 20 % à 5 % grâce à l’imagerie de fluorescence.

L’appareil est aussi utilisé dans le cadre de la chirurgie des cancers du sein pour identifier les ganglions atteints par les cellules cancéreuses. Une détection essentielle pour déterminer l’étendue de la maladie et ajuster les traitements. Ce dispositif s’avère également très utile pour examiner le foie afin de repérer des lésions cancéreuses invisibles à l’œil nu. A l’avenir, de nombreuses autres indications pourront être développées tant les perspectives ouvertes par l’imagerie de fluorescence sont grandes.

Propos recueillis par Anne-Laure Lebrun

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